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Quelle galère !

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Galérer c’est être dans une galère et si l’on y met le pied, c’est que l’on est un galérien. Plus tard appelé « bagnard », le galérien est un condamné, un esclave destiné à ramer sur ces longs bateaux de guerre. Parmi deux ou trois cents autres hommes, il était enchaîné, maltraité et fouetté, ramant sur la cadence du tambour du geôlier.

Dire donc de votre vie ou d’une situation qu’elle est une galère, c’est vous faire prisonnier d’un bâtiment de souffrance, sur l’océan de votre existence. Votre existence, cette fleur d’écume, éphémère, qui fane aussitôt après avoir éclos. 

Et si votre vie était un superbe trois mâts, les cales remplies de vos précieux talents, que vous devez livrer de port en port ? Un trois mâts qui connaît les tempêtes, les creux de vagues, et tous les dommages que ces événements apportent. Mais un trois mâts qui, malgré cette météo souvent peu clémente, est également capable de flotter sur une mer d’huile, de glisser sous un soleil radieux. 

Ce splendide bateau, aucune tempête n’a pu le couler jusqu’ici, et aucune ne saurait le faire, car il est bien connu que l’on ne reçoit pas plus que ce que l’on peut supporter. Le désespoir peut tendre ses tentacules, se saisir de la coque et finir par tout avaler du fier navire, mais seulement si le capitaine l’accorde. Et plus que le capitaine, pourquoi ne seriez-vous pas également la figure de proue ? Impressionnante, inspirante, cambrée contre la coque et ne faisant qu’un avec le bois de votre esprit. Emissaire de votre divinité, cette splendide incarnation chante déjà votre histoire.

L’expérience, acquise durant les tempêtes, nourrit la lumière des lanternes sur le pont, et ces raies de sagesse se répercutant en miroir au sommet du phare de l’intuition, vous tiennent éloigné des récifs de l’abattement qui avalent bien des aveugles.

Pour ces deux bateaux, il n’y a de capitaine que vous seuls. 
Êtes-vous une galère ou un fantastique trois-mâts ? Êtes-vous son rameur ou sa figure de proue ? Votre esprit est-il le bois d’une prison ou l’amant de l’océan ? 

Attention donc à vos mots, aux termes que vous employez. Mais comment quitte-t-on une galère, lorsque l’on y a été envoyé par la Destinée ? Sauf par un dénouement heureux que nous appellerons miracle, il n’y a qu’en y mourant qu’il est possible de la quitter. Cela vaut pour la version littérale, mais spirituellement, comment la quitter quand nous, notre propre juge, avons prononcé inconsciemment cette sentence ? Car nous sommes à la fois le capitaine, le juge, le marchand d’esclaves, l’esclave qui accepte la galère et ses conséquences. Alors, la seule solution pour quitter cet enfer, c’est de le voir à votre façon. En un clignement de cils, la galère devient un trois mâts, les chaînes des bijoux, la couche de paille une cabine somptueuse, et la tempête… la tempête, elle, n’est qu’une tempête. Pas plus une fin qu’une fatalité, mais simplement un passage. De l’eau qui revient à l’eau, cinglée par un vent qui n’appartient qu’à lui-même. Une leçon sur le chemin. L’évocation de l’impermanence. Un rappel d’authenticité pour dire que vous n’êtes pas que le navire, mais l’océan, le vent, le soleil. Les éléments ne mentent pas. Ne mentez pas. Alors, il n’y aura plus jamais de galère, seulement des voiles de splendeurs qui tantôt se tendent, tantôt se relâchent, selon les chemins qui mènent aux ports à découvrir.

« Tempête de neige en mer » – William Turner

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